Compte-rendu des tables rondes
En tant que scientifique, ai-je un rôle à jouer dans
l’innovation technologique ?
Que devient mon capital de réputation, comment se
fera mon retour dans le milieu académique, qu’est-ce que cela implique comme
renoncement, comment me lancer ? Autant de questions au cœur de l’engagement
entrepreneurial des chercheurs, auxquelles
les tables-rondes ont tenté d’apporter des réponses.
Aspect sociologique de la création d’entreprise
Pascal Ragouet, Sociologue, Université de Bordeaux
Thierry Verstraete, Professeur d’entrepreneuriat, Université de Bordeaux
Le passage du monde de la recherche à celui de
l’entreprise n’est pas perçu de la même façon pour chaque chercheur. On
distingue trois grandes catégories : ‘‘Les académiques’’ qui voient la
création d’entreprise comme une trahison, les « pionniers » qui
voient la création d’entreprise comme une façon de générer du profit, et les
‘‘Janus’’ qui ont une vision plus modérée, qui voient la création d’entreprise
comme un moyen de financer leur recherche et de proposer un avenir à leurs
étudiants en leur offrant un emploi.
La notion de prise de risques est importante.
L’entrepreneur doit être un leader, être motivé et avoir des compétences
précises, trois qualités rarement présentes chez un même individu. C’est en
réalité le contexte qui fait que l’on se lance ou pas dans l’aventure. Le profil type du créateur d’entreprise n’existe
pas.
Quel impact sur la carrière du chercheur ?
Antoine de Daruvar, Ancien entrepreneur, Lion Bioscience
François Salin, Chercheur-entrepreneur, Eolite Systems
Au niveau de la carrière du chercheur, la prise de
risque est minime. Grâce aux articles 25.1 et 25.2 de la « Loi sur l’Innovation »,
le retour à la recherche n’est pas difficile, tout du moins d’un point de vue
administratif. Les conditions de retour ne doivent pas faire blocage sur le
départ.
Les qualités mises en jeu dans une entreprise ne
sont pas différentes de celles nécessaire pour entreprendre dans la recherche. L’aventure
entrepreneuriale à un impact certain sur le nombre de publications, mais la
valorisation des travaux, la création d’entreprise et d’emplois, de même que
les retours financiers, sont tout aussi valorisants. L’ouverture au monde de
l’entreprise nous fait gagner en crédibilité vis-à-vis des partenaires
industriels, mais aussi auprès des étudiants.
Les relations avec son établissement de recherche
André Touboul, Délégué régional, DRRT
Philippe Gorry, Directeur, Aquitaine Valo
Luc Grislain, Chercheur Université de Bordeaux, Cofondateur Ellipse Pharmaceuticals
Les rapports avec l’administration ont évolué.
Celle-ci n’est plus un environnement hostile accès sur l’apport juridique pour
la protection. Le service de valorisation est devenu un service
d’accompagnement. Le chercheur doit aller au devant de l’administration car plus
le contact est pris tôt, et plus les relations seront fluides.
Le chercheur a une responsabilité dans la société
car l’innovation est un moteur économique. La valorisation est une des missions
du chercheur. On entend « tous les chercheurs ne peuvent pas
valoriser ». Mais tout est valorisable ! La question est : « A
quel moment rentre-t-on dans la valorisation ? » Aquitaine-Valo fait
un diagnostic avec le chercheur pour savoir si l’idée a fait l’objet d’une
publication, comment la protéger, combien de temps et quels moyens pour la
développer, s’il existe un marché (bien que souvent l’innovation crée le marché).
Le chercheur a le choix sur le mode de valorisation : contrat de
collaboration avec industrie (le plus courant), création d’entreprise,
transfert de l’idée par un tiers (plateforme technologique, cellules de transfert,
etc.).
L’entourage du chercheur en phase de création
Marie-Christine Vidal, Ancien entrepreneur Digem, Directrice Pépinière Nice Côte d’Azur
Pier Vincenzo Piazza, Directeur Institut Magendie, Fondateur Fluofarma
Bien choisir son équipe est un facteur primordial.
Une équipe fonctionne si ses membres ont des compétences diverses. C’est
l’équipe qui fait l’entreprise et non l’inverse ; cela nécessite
distinctement un groupe d’actionnaires et une équipe opérationnelle. Le plus
difficile est de définir le leader de l’équipe. Il ne faut pas se tromper. Chacun
doit mettre sur la table les raisons qui le poussent à se lancer dans la
création, et naturellement, le leader va se détacher.
Chacun doit être rémunéré en fonction de son statut. Il faut donc une préparation pour définir les compétences et déterminer les personnes nécessaires pour que le management de l’équipe se passe au mieux.
La faisabilité du projet
Philippe Barthelemy, Enseignant-chercheur, Université de Bordeaux
Philippe Grand, Associé, DG Ernst § Young Entrepreneurs
Elisabeth Thouret-Lemaitre, Conseil en PI, Cabinet Bredema
Si l’on attend de l’étude de faisabilité économique
le feu vert, on se trompe. Le feu est toujours orange. Néanmoins, l’étude de
faisabilité économique est une étape nécessaire. Elle sert à comprendre comment
fonctionne le segment de marché sur lequel on va se positionner.
Le nom de l’entreprise, le modèle économique, le dépôt de brevet ont également de l’importance. Il faut surveiller le domaine concurrentiel, ce qui prend du temps (au moins 5 ans). Toutes ces étapes ne sont pas forcement intuitives. Le chercheur doit apprendre une nouvelle langue !
L’accompagnement
et le financement du projet, de l’entreprise
Jean-Marc Battigello, Délégué régional Innovation, OSEO Aquitaine
Antoine Briand, Directeur, Incubateur Régional d’Aquitaine
Frédéric Conchy, Directeur, Exosun
Bruno Mascarin, Directeur, Technopole Bordeaux Montesquieu
Il existe toute une chaine de valeur depuis le
laboratoire jusqu’à la création d’entreprise : Aquitaine Valo, OSEO,
l’IRA, les technopoles et pépinières, le Conseil Régional d’Aquitaine (PI,
financement, business plan, soutien logistique, formations, réseau, etc).
Pour mener à bien un projet, les trois piliers
sont : la technologie, le marché, et surtout l’équipe. Il ne faut pas
négliger la composante humaine. L’essentiel pour l’IRA est de faire progresser
les hommes ; c’est un espace sécurisé pour prendre des risques ! Ces
structures aident également à orienter les projets, et notamment, à ne pas
lancer les porteurs trop tôt dans l’aventure si le marché n’est pas encore là.
Plus les projets sont accompagnés, plus ils sont pérennes.
Une fois sorti de l’IRA et de la technopole (environ 4 à 5 ans), l’entrepreneur bénéficie d’un réseau d’échanges pour rester en contact avec les problématiques transversales. Il n’est pas seul.